ARDEUR OBSCURE
Livre de 36 pages, octobre 2004, 30 centimètres sur 21 centimètres, imprimé sur Pop'set gris 120 grammes, cousu, couvrure en toile de couleur grise, premier plat imprimé, étui imprimé à l'intérieur et à l'extérieur.
Titre oxymorique, c'est souvent le cas. Statut des titres. Un temps, ils ont préexisté à la fabrication du livre, comme une sorte d'orientation peut-être. Sous forme de liste de titres possibles. Mais ils peuvent aussi venir ensuite. Quoi qu'il en soit, un livre ne se distingue totalement d'un autre que quand on peut le désigner par son titre. La forme des titres : « Ce livre est : ………….. » en est la forme la plus courante. Comme si l'on présentait quelqu'un. Histoire de souligner que le livre est sujet autant qu'objet. Qu'il naît (dans sa fabrique, mais peut-être aussi dans sa lecture) d'une sorte de dynamique, d'autonomie de l'image. Il n'est pas objet au sens où il serait l'exécution d'un plan préalable. Ici le titre est donné autrement. A vrai dire, il n'y en a pas de certain. La page du corps d'ouvrage qui a la place de la page de titre, ne porte aucune inscription. Il ne figure que sur la couverture. Un bibliothécaire dirait donc : « la couverture sert de titre » Autre bizarrerie de structure : les gardes collées miment des pages blanches. Ce livre n'a pas vraiment de commencement ni de fin, comme si des éléments manquaient aux deux extrémités, comme s'il ne fallait pas l'enfermer dans une limite. Impression accrue par le fait que le carton de brochure porte des signes inscrits, dans la logique de ceux du corps d'ouvrage. Les limites sont rendues imprécises. Élément de classicisme : la réglure, qui évoque celle, retracée a posteriori, des imprimés anciens. Une curiosité : la mention du colophon : « imprimé en mélanographie ». Ne fait sens que pour le texte imprimé noir sur noir. Elle fait pendant au contenu du texte, où il est question d'un liquide noir suintant d'une bûche en combustion, qui va servir d'encre. C'est là aussi que le titre s'enracine : l'ardeur du feu, l'obscurité du liquide issu de la bûche. Le texte : deux citations latines, rendues à peine visibles. Le sujet en est le même que celui des images et celui indiqué par le titre : le feu, la consumation, le résidu de combustion qui fournit de l'encre. Cet effacement et obscurité matériels du texte (l'obscurité aussi de la langue latine), qui marginalise, rend mystérieux, s'accroît d'une traduction inscrite à l'intérieur du coffret sur laquelle la réglure orange qui l'encadre, et que l'on peut apercevoir en rangeant le livre, attire, mais discrètement l'attention. On a peut-être là l'indication d'une méthode de lecture des livres de Jean-Claude Mattrat : il faut y être attentif au moindre détail. Le texte est « hors image », il est même en partie hors livre, on ne saurait plus clairement le remettre à sa place, seconde. Ce sera aussi le cas dans « Panneau de seuil ». Marie-Jeanne Boistard, 2006.
26 exemplaires numérotés, signés.